Anoushka Shankar
La sitariste y jette un pont délicat entre la tradition hindoustanie et le flamenco : un pari cross-over ambitieux, même pour la fille de Ravi Shankar.
Heureusement, celui-ci lui a légué le goût et le talent de savoir s’entourer. Dans son « voyage », elle a ainsi emmené le guitariste madrilène Javier Limón, qui a arrangé toutes ses compositions, cosigné certaines et lui a présenté quelques pointures de son cru. La voix enrouée de Duquende, qui donne un relief inédit à la poésie qawwalie d’Amir Khusrau (Si no puedo verla) ; celle, intense, de Concha Buika (Casi uno) ; ou même les pieds déchaînés du danseur flamenco Farruco (Dancing in madness) réinterprètent la spiritualité indienne à l’aune d’une sensualité tout ibérique.
Même quand il est réduit aux seules percussions espagnoles (Traveller), ou à la voix grave (chose insolite pour une chanteuse classique indienne) de Shubha Mudgal (Krishna), l’esprit flamenco demeure, exaltant une passion inédite. Il hante, surtout, le plus beau titre, Boy meets girl, où la guitare abrasive de Pepe Habichuela donne la réplique aux profonds arpèges de sitar : un dialogue sobrement exaltant, entre deux tempéraments très attentifs l’un à l’autre. Presque trop : on eût aimé plus de folie. Libérée de l’écrasant charisme paternel, la jeune prodige se retient encore. Mais le feu couve, ardent.